le samedi 9 novembre 2024. Intervention de Jean Louis Sous - Espace Franquin - Angoulême - 14h - 17h 30. Salle Pacès - Participation : 20 euros.
Et il suffit d'écouter la poésie, ce qui était sans doute le cas de F. de Saussure , pour que s'y fasse entendre une polyphonie et que tout discours s'avère s'aligner sur les plusieurs portées d'une partition.
J. Lacan - L'instance de la lettre dans l'inconscient
DU SUJET
Il s’agira, dans ce parcours, de questionner ce sujet de l’inconscient au regard du sujet du droit (personne morale), du sujet de la philosophie (cogito cartésien) et du sujet de la science excluant la dimension de la « vérité ».
Si vous relisez les séances datées du 29 novembre et du 6 décembre 1961 du séminaire sur L’identification, vous pourriez être surpris par un savoureux enchaînement : c’est après avoir parlé de sa chienne Justine qui, elle, ne le prend pas pour un Autre et ne parle que par jappements ou aboiements que Jacques Lacan formalise la chaîne signifiante, et distingue le signe du signifiant. Nous interrogerons la fabrique de cette formule canonique, un signifiant représente le sujet pour un autre signifiant en référence à la linguistique (Saussure, Pierce) ainsi que chaque élément de cet énoncé: un, siginifiant, représente, pour.
Dans la mesure où, par les temps qui courent, les symptômes ne valent plus qu’en tant que signes, il sera proposé, en contrepoint, une déclinaison de cas d’enfants mettant à l’épreuve une autre lecture qui prendrait en compte la dimension d’un transfert signifiant.
que comme signes, il sera proposé, en contrepoint, une déclinaison de cas
d’enfants mettant à l’épreuve une autre lecture qui prendrait dimensions du transfert signifiant.
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Alain de Libéra, Naissance du sujet, Paris, Vrin, 2016.Denis Salas, Sujet de chair, sujet de droit, la justice face au transsexualisme,
Paris, puf, 1994.
Ferdinand de Saussure, Cours de linguistique générale, Paris, Payot, 1972.
Charles P. Pierce, Écrits sur le signe, Paris, Seuil, 1978.
S. Freud, « La décomposition de la personnalité psychique » 1932, in Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse, Paris, Folio Essais, 1989.
F. Dolto, L’image inconsciente du corps, Paris, Points, 2014. J.Lacan, La science et la vérité in Écrits, Seuil, 1966
« Subversion du sujet et dialectique du désir », in Écrits, Seuil, 1966; Le transfert, séance du 12 avril 1961.
L’Identification, séances du 29 nov. et 6 décembre 1961, Version Michel Roussan.
Problèmes cruciaux pour la psychanalyse, séance du 5 mai 1965, Version Michel Roussan.
contrepoint, une déclinaison de cas d’enfants mettant à l’épreuve une autre lecture qui prendrait en compte les dimensions du transfert signifiant.s la mesure où par les temps qui ouDe la parole marquante à tu es cela, dépréciation ou louange - Philippe Lacadée -
Aragon relate, dans son livre Pour expliquer ce que j’étais, le souvenir tout à fait précis d’une parole marquante lui ayant laissé une trace ineffaçable. Pour Alice et Maud, ce sont deux mots qui ont impactés leur parlêtre. Enfin, pour un autre, c’est la logique de son analyse qui est venu lui donner la chance inventive de saisir la trajectoire de sa vie Pour expliquer ce que j’étais. Une phrase marquante de son analyste redonna vie au cadavre qu’il aurait été, un tu es cela mortifère lui offrant la chance inventive de faire de cette dépréciation même le principe d’une louange, soit se démarquer de l’impact d’une parole marquante l’ayant assigné à louer l’ange.
Le Tu es cela d’Aragon
Un soir où Aragon rentrait tardivement, il trouve sa mère couchée qui lisait, en l’attendant, « diverses publications à quatre et six sous, du genre qu’on dit populaire, des petits romans de la plus lugubre qualité […] de pauvres gens que je n’avais pas l’intention d’insulter, j’eus la malencontreuse idée de dire à ma mère, qui se piquait assez de littérature : Comment tu lis ces idioties-là, maintenant ? » À quoi elle lui rétorqua cette phrase marquante « Ces idioties-là sont l’œuvre d’un brave garçon, qui gagne sa vie avec, et qui te vaut, toi et ce que tu écris, mille fois… ». Aragon ne devait jamais oublier la réponse de sa mère, et surtout le ton de celle-ci par lequel il dit s’être senti insulté. « Rien ne peut rendre comme cela était dit. Ni que cela me fut et m’est cuisant, même aujourd’hui encore, après vingt et quelques années. » Il se sent évalué par celle « qui jamais ne me heurtait de front » et réduit dans la parole de sa mère, à un Tu es cela qui ne vaut pas grand chose. Il en éprouve une injustice , ce dont sa mère conviendra lorsqu’il lui en reparlera beaucoup plus tard, « elle a été terrifiée de l’importance que j’avais pu donner à ce jugement, et elle a eu la bonté de me dire « Comme j’étais injuste !. » Il n’empêche que la rencontre de ce dire de sa mère fut vécu par lui, dès la première minute, comme un reproche qui lui « fut si atrocement sensible »
« Tu es cela » est ce que le sujet rencontre à la fin de l’analyse, jusqu’à la limite extatique du langage, coloration plutôt dépréciative de cette assertion, à charge pour l’analyste de faire de cette dépréciation même le principe d’une louange.
Souvent, « au lieu où l’objet indicible est rejeté dans le réel, un mot se fait entendre ». Ce mot surgit dans l’urgence, à la place de ce qui n’a pas de nom, mais ne suit pas l’intention du sujet, se détache de lui sur le mode de la réplique.
Le sors de Lucie
Lucie vient me voir pour une crise de colère ayant aboutie à son exclusion du collège. Elle m’explique que cette crise a été déclenchée par le « Sors » énoncé par son professeur, constatant qu’elle n’avait pas amené son devoir fait à la maison. C’est le ton de la voix qui énonce Sors qu’elle a pris comme insulte visant son être indicible. « Elle m’a traitée comme un chien », tel est la phrase marquante qu’elle s’entend penser dans sa tête, s’étant trouvée réduite à Tu es cela, un chien. La façon de dire Sors contient une prédication possible sur son être qu’elle a vécu dans le réel comme une insulte.
Cette brève injonction venue de l’Autre, humiliante, dégradante, l’a précipité sur le mode de la réplique vers l’émission de l’insulte pour se défendre du réel menaçant que contenait cet énoncé C’est cette insulte qui a provoqué son exclusion.
Elle me dira lors d’une autre séance que le principal du collège l’a reçue pour reparler de cette délicate situation et lui a dit un peu énervé, qu’elle avait réagi comme une adolescente de banlieue, elle a répliqué de façon très vive qu’elle se sentait de nouveau insultée. Cette expression référentielle fait insulte aux adolescents qui l’entendent, c’est ce qu’elle me dira. Certains cherchent à faire surgir de l’Autre leur nom d’insulté pour pouvoir, de façon inversée, en jouir. Ainsi traiter des jeunes de racailles, auxquels ils s’identifient parfois, peut faire d’autant plus point de capiton, on l’a vu lors des émeutes en 2005. Elle me dira que cela justifie et légitime pour eux de penser et de dire qu’on les a provoqués ou insultés. Mais elle m’avouera qu’elle aussi, souvent, avec les autes élèves manie l’insulte ou des phrases irrespectueuses et en tire un plaisir malsain.
Certains adolescents ne sont pas protégés ou ne se sentent pas à l’abri de leur nom d’insulte par leur nom propre ou par leur Nom-du-Père, en raison d’une précarité symbolique.
L’imbécile de Maud
C’est ce qui se passa pour Maud quand le mot imbécile se fait entendre à la place de l’objet indicible. Si le névrosé cherche son épithète, Maud rencontrera le sien en réalisant que son père la qualifie comme le chat de la maison.
Maud a 14 ans quand elle revient me parler, quelques années après que je l’ai reçue jeune enfant, parce que son père lui ayant crié dessus, elle l’a en retour insulté. Elle va m’expliquer la logique de ce qui l’a fait insulter son père en le traitant à son tour d’imbécile. « Il me dit imbécile et moi, quand je le lui dis aussi, il me dit : « ça ne va pas non !! » Pourtant ça devrait être donnant-donnant. » En fait, ce qui la choque profondément c’est qu’il traite aussi son chat d’imbécile. Voilà de fait ce qui est le plus insupportable : « ça va pas je ne suis pas un chat quand même ».
Ce que Maud questionne là, c’est le désir de son père. Elle a été adoptée et son être d’objet comportera toujours, dans le réel, la forclusion du désir de l’Autre qui l’a mise au monde. Aussi, ne supporte t-elle pas d’être produite comme un chat, sans ce désir de l’Autre. Le simple mot imbécile proféré par le père au chat, indexe pour Maud sa condition d’objet a abandonné qui rejaillit dans la part indicible de la langue. Imbécile marque la jeune fille au fer rouge de la différence et a le pouvoir de la renvoyer à sa pure condition d’objet.
Pour elle, son père se doit de participer à son éducation en prenant soin de sa parole devant son enfant devenue adolescente, qui présente la singularité de vivre parfois comme un handicap le fait de ne pas avoir pu grandir avec ses géniteurs. Elle a été adoptée, comme elle le dira, par une maman à l’envers. Maud me dit que sa famille adoptive est surtout celle de la langue qu’on lui a offerte, avec un choix des mots précis, avec laquelle elle a appris le respect. Même si elle s’y est distinguée comme la petite étrangère adoptée, elle sait très bien qu’elle portera toujours cette marque qui la singularise. Mais il suffit d’un mot, par exemple imbécile, pour qu’elle se sente prise par cette phrase marquante, traitée comme un chat, exclue du monde des humains dans le sens d’un rejet du logis, soit le logos humain qu’elle avait trouvé dans cette famille.
Le Nom-du-Père pare à l’insulte et l’évite. C’est par son opération que nous nous appelons, non par des noms d’oiseaux, mais par notre nom propre que l’on peut, au passage, salir. L’insulte s’attaque au nom propre qui en est la matrice : c’est là d’où peut surgir la matière sonore. Elle s’entend alors comme venant du réel, à la place du signifiant du Nom-du-Père. « C’est souvent un trou qui parle, et qui du coup a des effets sur le tout du signifiant ». Comme le dit Lacan, « un trou qui n’a pas besoin d’être ineffable pour être panique. » Panique, dès lors, à traiter sur fond d’urgence car engendrée par le déchaînement du signifiant tout seul qui se met à injurier.
Une trajectoire singulière d’une cure Pour expliquer ce que j’étais
Grâce à mon parcours en analyse d’orientation lacanienne, j’ai pu, dans l’après coup, saisir la logique ayant soutenu le fil de mon existence. J’aurais donc été cet enfant-là. Depuis mon enfance, il y avait quelque chose de mort au cœur de mon être qui se jouait dans une Autre scène à mon insu de mon plein gré, là où Je est un autre, me poussant à ne pas hésiter à avoir des conduites à risques, selon le mode d’acting-out. Né près de la chaine des Pyrénées, à Pau, ce sont ces montagnes très proches qui sont venues m’offrir ce lieu de l’Autre auquel je crus, où je crus trouver le lieu et la formule de ma vie et apparemment encore pour, en un mot, sauver ma peau. Une trajectoire singulière de mon enfance et de mon adolescence se dessina dans un nouage important entre un certain éprouvé de mon corps et ce qui me poussait à trouver la vraie vie au niveau d’une pratique sportive. Plus tard, Rimbaud m’apprit qu’en fait La vraie vie est absente. Ma vraie vie fut impactée et déterminée par deux mots marquants : montagne et neige. Au fil de la délicate transition que fut mon adolescence, j’ai saisi que ces deux mots, devenus signifiants, m’avaient enchainé comme S1 tout seul à la chaîne des Pyrénées. Ils sont venus comme signes marquer mon corps vivant. Champs pentus, champs de neige, j’aimais ces champs pyrénéens, dont l’écho soutenait ma passion. Cette chaîne m’offait un Autre monde à part, que je fis mien.
Flocon qui descend et ange qui monte comme versions du mystère indicble de l’Autre
Vers 9 ans, le monde de la montagne, prenant le visage de la seule nature dont je sentais l’appel puissant, m’offrit ma première rencontre avec un usage mystérieux de la neige. La neige avait toujours eu, pour moi, déjà, une valeur considérable. La fragilité du flocon, mystérieusement descendu du ciel, comme venu d’ailleurs, impalpable dans sa substance, provoque encore et toujours en moi une sensation inédite, d’autant qu’elle est soutenue d’un silence saisissant. Mais là, cette neige, en montagne, en recouvrant la terre, m’offrait un tout autre visage, une autre consistance, créant un lieu où le rêve et la pureté venaient nouer mon corps à la montagne ainsi transformée, point d’où je pensais avoir trouvé la formule de ce qui me rendait vivant.
J’ai toujours senti l’importance quasi vitale de la rencontre avec la glisse sur la neige, la mise en mouvement du corps, pas sans prise de risque, là où, dans ma famille, la rencontre avec la mort de ma sœur Martine, âgée de 3 ans, avait plongé ma mère dans la solution en impasse d’une position mélancolique pour traiter un deuil impossible.
Tu es cela : un cadavre vivant dans le placard comme louange d’une phrase de l’analyste
Ma mère m’entrainait dans la piste vertigineuse de sa mélancolie, non sans mon indicible complicité. L’angoisse de mort qui m’empoigna ainsi, dès mes cinq ans, lors de la rencontre de ce réel insupportable pour l’Autre maternel ne cessa, dès lors, d’habiter mon corps en créant, au cœur de mon être, une zone silencieuse, un blanc qui me cadavérisait. Un vide incarnant cette inexistence de l’Autre que je ne saisis que, plus tard, en analyse. Par réel, je situe ainsi ce que j’ai vécu comme traits ou marques de paroles impossibles à comprendre et à traduire en mots. Cette mort ne trouvait, pour moi, mais aussi surtout pour ma mère, aucune traduction possible sauf le fait de vivre cet événement au niveau du corps comme un point d’impact d’angoisse. Cette angoisse me pétrifiait et me rendait incapable de prendre des décisions, de dire mon désir, de faire un choix. Si le corps lui-même, comme tore avec deux trous, est d'origine, c’est sur lui que s'inscrit soit le point d'angoisse soit les marques du signifiant reçu de l'Autre qui font des points d'impact sur le corps, d’où le fait que, pour tout sujet, l’Autre, c’est le corps.
L’état mélancolique quasi délirant de ma mère la poussait à pleurer chaque fois qu’elle venait près de moi, tout en me parlant de cette sœur morte. C’est de là que s’origina mon désir paradoxal d’être vivant tout en étant aussi moi-même assez cadaverisé par ses paroles, cette plainte douloureuse premier pas vers la position de l’analyste. J’étais un cadavre vivant en somme, mais je ne le savais pas en-corps. C’est là où, suite à un réve, la phrase marquante de mon second analyste Il y a un cadavre vivant dans le placard fut une interprétation décisive. Le rêve : « Je trouve des chèques dans le placard qui est en face du divan de l’analyste. C’est l’analyste qui me l’a signalé, et alors je lui réponds : « ce n’est pas que je ne voulais pas les déclarer, c’est qu’ils étaient là, en attente d’être inscrits. » Sur le coup, cela m’a permis de terminer mes phases en rendant vivante ma langue et fit disparaître aussi mon symptôme d’éternuement, point d’identification à toutes les femmes de ma famille. Au placard les chèques/l’échec l’analyste par sa coupure de séance peut prendre place et lui on le paie en espèces.( en petites coupures )
Une phrase marquante :Ta sœur est un ange que tu dois prier
Cela me permit de logifier mon histoire. Ma sœur était en terre, son petit corps enserré entre quatre planches, dans un petit cimetière à Soumoulou, au pied de la chaîne des Pyrénées. Cette tombe, souvent fleurie, était aussi liée au bruit de la grille de la porte du cimetière, dont je compris plus tard qu’il donnait corps à ce qui du réel du corps de l’autre est insupportable. Pour ma mère, la rencontre de la trace d’un sourire, sur le visage de ma sœur au moment de sa mort, lui avait fait élever ce corps mort à la dignité d’un corps plus léger, invisible et impalpable, celui d’un ange monté au ciel. Elle lisait avec certitude, dans ce sourire, la présence de la vierge Marie, la réponse de l’Autre divin aux prières qu’elle lui avait adressées à Lourdes, après avoir plongé ma sœur dans l’eau bénite, puis dans l’eau du gave de Pau au pied de la grotte Masabielle où la Vierge apparue à Bernadette Soubirou. Mais cette solution ne sembla pas efficace pour elle, véritable croyante ?
Cet ange devint mon partenaire symptôme, que je priais souvent dans mon enfance, pour qu’elle me vienne en aide, car plutôt que d’énoncer mon désir, je préférais m’en remettre à la figure de l’ange Martine. Ainsi, tout en étant dans la tombe, ma sœur veillait toujours sur moi comme mon ange gardien. Si le flocon descendait du ciel, mon ange, lui monté au ciel, pouvait descendre me protéger à condition que je le prie, voire l’en prie. Je m’évertuais ainsi à faire exister un Autre où je disparaissais comme sujet dans l’aphanisis de mon désir. Puis, ma mère ne trouva rien de mieux que d’appeler ma petite sœur, née trois après Martine, Bernadette, et de m’envoyer au cathéchisme chez les sœurs réparatrices à Pau, m’ayant inscrit tout au long de ma scolarité à l’école primaire à l’école des filles, où j’étais le seul garçon.
Un appel de l’Autre intérieur
La montagne faisait écho à ce lieu que je trouvais à l’intérieur de moi, un silence, comme un objet indicible. L’appel de la montagne m’habitait et trouvait sa réponse dans la neige qui floconnait en moi. Robert Waser décrit cela très bien : « il neigeotte en moi », lui qui est allé conclure sa vie, le 25 décembre 1953, en s’identifiant à un point noir venant chuter dans la neige. Il mettait ainsi le dernier point au champ vierge qui ne peut pas s’écrire, sauf à se réduire dans la mort, à ne faire qu’un corps avec la neige.
Dans le conte Blanche neige, qu’il a repris de façon ironique, les mots de Walser rencontrent ceux que j’éprouvais, ce lieu de l’extimité dont parle Lacan dans son séminaire L’éthique de la psychanalyse. Extimité, quand la neige fait partie de nos corps, tout en en étant un élément hétérogène à ce qui en fait la matière. C’est comme le silence de la montagne, inhérent au silence de l’être en moi, soit ce pas-je, signature de la castration et du manque de l’Autre. C’est ce que j’ai retrouvé aussi dans mon fameux départ dans le désert, en plein hiver, la veille de Noël, pendant trois mois, après avoir été reçu au concours de l’internat de psychiatrie.
Walser, dans L’Institut Benjamenta, l’un de ses premiers romans, formule très bien comment il y a une nécessité, pour le sujet, à partir dans des endroits où il peut se retrouver seul. C’est parce que cette solitude est inhérente au sujet que le champ montagneux de neige, le désert, le blanc, l’océan, jouent sur ce sentiment-là, sentiment océanique que Freud emprunta à Romain Rolland, soit une version de la croyance en une jouissance de l’Autre déserté du parasite de la langue de l’Autre. Ou une jouissance Autre décrite par Catherine Millot sur le versant de l’abîme ou de l’extase. Là où, sans racine, on devient une ombre à soi-même, cette ombre qui, dans la mélancolie, tombe sur le moi, comme l’écrit si bien Zweig, il me fallait à la fois trouver une issue à la foi mortelle de ma mère (dans le sens de se séparer d’elle, mais difficile quand elle transmet que le deuil lui est impossible) et à la tombe de ma sœur.
La glisse devint ma passion, l’invention d’une Autre scène en réponse à la phrase marquante macchabée-bof
Là où mon corps pouvait rester coincé dans une identification au corps mort de ma sœur, parti entre quatre planches, je compris plus tard l’importance de mettre le mien debout sur deux planches pour le sentir bien vivant. Ce furent les planches de cet Autre scène dont parlait Freud, pour illustrer l’inconscient. Mais, je la refusais cette Autre scène en en faisant exister une autre dans la réalité. Si je n’avais pas skié, peut-être serais-je toujours resté assis dans un fauteuil chez moi, incapable de bouger pour soutenir mon désir en dehors du désir de l’Autre qui m’assignait à résidence identificatoire au corps mort de ma sœur, au phallus mort. À l’école, on me surnommait macchabée-bof , ce bof venant en lieu et place des trois points de suspension qui illustraient mon silence et ma difficulté à dire mon désir, en s’incarnant dans ce signifiant mortel, où je me cadavérisais (Macchabée/lacadée).
Si, durant mon enfance, la neige fut un jeu/pas-je, elle fut plus tard bien plus que cela. Elle se transforma en une page blanche où se décida la solution de l’écriture. Cette matière si belle, ces flocons, ces cristaux si fragiles impliquent nécessairement au-delà du blanc, la notion de pureté. Quand la neige est poudreuse, profonde, légère, quand je glisse sur elle ou en elle, dans la pente, et que le jeu de mes planches et de la vitesse soulevant cette matière pulvérulente et froide en tourbillons éphémères, quand la neige passe par dessus ma tête, m’éclabousse le visage, m’aveugle, j’éprouve la sensation de pénétrer dans un monde vierge, de participer de l’élément, de faire corps avec la terre et le ciel, dans leur manifestation la plus belle, la plus pure. C’est une véritable jouissance physique autant qu’intellectuelle, qui me donne une dimension presque cosmique, parce que cette jouissance est une communion avec les éléments comme une intégration au cœur même de la nature. Ça évoque ce que dit Lacan dans la Troisième : « La vie, dont un langage fait rejet, nous donne bien l’idée qu’elle est quelque chose de l’ordre du végétal. » Une jouissance Autre, hors-sens de l’ordre de cette Autre jouissance hors-jouissance phallique. La glisse devint ma passion, les premières sensations de glisse sur mes deux planches furent vécues comme un prolongement naturel de mes jambes. C’est mon oncle Jean qui m’avait ouvert la voie du ski et de la montagne, après que mon père, dans sa seule tentative de mise sur planches, avait chuté contre un sapin et s’était brisé les deux péronés. C’est dans cette carence de l’entourage symbolique que s’inventa, pour moi, la solution d’être sur des skis, mon père se vouant à d’autres cimes, celles des arbres fruitiers où, comme fils de paysan, il excellait dans la cueillette. Ce fut la solution de la piste de ski en réponse à la piste mélancolique de la mère.
La glisse est l’essence même du ski, nouant dans le silence le grand espace de la montagne et la vitesse. Descendre ainsi d’une cime, à toute vitesse, à tombeau ouvert, seul dans la neige vierge, en me jouant des prises de risque et des pièges de l’environnement naturel, souvent hors-pistes, m’était nécessaire pour triompher de la mort et ainsi me détacher de la tombe du cime-tiers où j’entendais que l’Autre maternel voulait me pièger. Tout faire pour ne pas tomber.
La religion personnelle et la chute de l’Autre religion par une phrase marquante.
Appréhender la montagne afin de la vaincre nécessitait, pour moi, de laisser mes traces dans la neige vierge. Ce fut ma passion du hors-piste, laisser ma trace, comme un sourire, dans les marges de l’Autre. J’étais donc bien l’enfant de la chaîne des Pyrénées, apôtre de la trace pure, comme S1 laissé hors-piste, sur le champ de neige vierge. Ma libido adolescente se soutenait d’un Il y a de la trace. Point d’où je pensais être regardé – je voulais être moniteur de ski et guide de haute montagne pour loger mon être dans l’Autre de la chaîne des Pyrénées, afin de ne plus faire qu’Un avec le silence de la montagne.
C’était ma religion personnelle et intime. L’Autre religion, celle transmise essence-ciel-ment par ma mère, prit fin lors de mes 14 ans, après la rencontre avec une parole décisive de mon confesseur : « y a pas a tortiller du cul pour chier droit. » C’était juste en sortant de la confession où j’avouais que c’était moi qui avait incité mes compagnons scouts à crier au lever du drapeau, le matin, « Aigles au plumard », au lieu d’ « Aigles au plus haut ». Ce fut la chute de l’Autre divin et aussi de la fonction de l’Ange. Et c’est peut-être plus tard que le plumard devint le divan d’un psychanalyste.
Tortiller du cul sur la piste
C’est alors ainsi que prit corps la passion de la compétition. Ne plus se contenter de jouir tout seul, dans son triomphe glissant de la mort, en tortillant du cul sur la neige pour faire sa trace, comme S1, mais se risquer à s’inscire dans les traces et le temps des autres ou de l’Autre (comme S1-S2). Cela impliquait l’entrainement à plusieurs, d’en passer par des portes précises et la mise en ordre d’un entraineur, pour obtenir des résultats. Dès la classe de troisième, notre professeur d’éducation physique repéra quatre d’entre nous pour les rendre compétiteurs. Nous allions au ski depuis le lycée, les lundis, jeudis et samedis, avec comptétitions de skis les dimanches. Le ski devint la chose essentielle de ma vie. Je découvris l’essence même du ski dans l’épreuve de La descente, comme étant la discipline reine. Des pentes raides, des bosses permettant des sauts où la vitesse extrême flirte avec le plaisir de décoller. Les chutes sont d’une violence rare et sont sans cesse présentes à l’esprit mais, la descente, c’est ça, la prise de risque pour obtenir la meilleure trace, une espèce de dimension mystique où, lancé à pleine vitesse, on tutoie les frontières du réel. C’est l’épreuve qui repousse les frontières de l’impossible et qui brave en permanence des limites. Le slalom géant, aussi, était important pour moi, car c’était la recherche de la meilleure ligne, avec des changements de direction inhérents à l’art de la glisse, laisser son corps ne faire qu’un avec le sens inné que l’on a de la courbe, afin de savoir épouser au mieux la pente. Je n’ai eu mon baccalauréat que grâce à un grave accident de ski à Gourette où, lors d’un entrainement de descente, une jeune fille égarée sur la piste, me coupa la route en pleine vitesse. Je ne pus l’éviter qu’en rentrant dans une protection en cahouthouc de la piste, ce qui me provoqua un arrachement des ligaments de la cheville.
Tu es cela, celui qui tombe et une phrase marquante Le petit prince des neiges
La compétition provoquait chez moi la passion du dépassement, soutenu par la rivalité, celle d’obtenir le meilleur temps possible, afin de voir mon nom inscrit en haut d’une liste. Cela se fit pendant quatre ans, jusqu’à l’apothéose d’une sélection pour les Championnats de France à Chamrousse en 1968, après avoir remporté la descente du championnat des Pyrénées-Ouest, dans la mythique descente de Layré à Barèges. Dans les meilleurs à l’entraînement, petit prince des neiges étant mon surnom, je n’obtenais pas toujours les résultats attendus dans les pistes tracées pour des compétitions décisives. Ainsi, lors de ce championnat de France, je chutais lors des trois épreuves. Être sportif n’empêchait pas, à l’insu de mon plein gré, de laisser toujours passer devant moi le pire énée, support d’une haine qui m’a souvent soutenu, comme passion fondamentale de mon être, pour n’être encore, face à l’aîné, que le cadet – là-cadet –, faisant sonner mon nom propre d’un « La cadere », que j’interprétais comme celui qui tombe ; celui qui, à trop vouloir se séparer de la tombe, était encore pris par un reste de jouissance qui le poussait à y retourner pour continuer à en jouir. Ou, peut-être, était-ce le fait d’avoir du mal à changer de chaînes ? Je n’étais que l’enfant de la chaîne des Pyrénées, compétiteur du comité des Pyrénées-ouest, champion de ski, là, mais pas ailleurs.
Ces actes manqués me firent penser que tel ne devrait pas être mon destin, et qu’il était temps que mon corps vivant n’oublie pas qu’il était avant tout un corps parlant, voire parlé par l’Autre. Ce fut la rencontre avec l’Autre dans tous ces états, qui n’alla pas sans mettre le lieu de mon corps dans tous ses états. Ce fut tout au long de ma passion pour le ski, la rencontre avec une série de chutes et quatorze fractures, soit ma façon de faire exister le corps comme lieu de l’Autre.
Le voile de l’Autre se déchire sur le réel de la mort comme retour de ce qui tombe
Pour maintenir mon entrainement, je faisais du vélo que je me suis mis, aussi, à aimer avec passion. Mais là, c’est surtout l’épuisement du corps qui est en jeu, aller jusqu’au bout d’un effort où la terre m’offrait un autre visage, moi-même offrant ma jouissance à un dieu obscur. Là aussi, il s’agissait d’être seul avec sa machine, et le poids d’un silence. Là, la terre ne se livre que par l’effort maximum obtenu au moment de bascule du franchissement du col, pour plonger à tombeau ouvert dans la descente. Toujours attiré par les cimes, je faisais aussi beaucoup d’escalade, enchainant pic sur pic, couloir sur couloir, un goût de l’escalade à un tel point que la solution d’être guide de haute montagne et moniteur de ski m’apparut comme ma voie d’issue.
Là aussi, une rencontre décisive me fit arrêter. Un jour dans les aiguilles d’Ansabert, en tête de cordée, je faillis tuer mon oncle Jean en lui faisant tomber une pierre sur la tête. Puis, il y eut la mort de Kiki Legal, mon ancien chef de patrouille scout les aigles, mon idéal du moi, véritable sosie de Corto Maltese et du héros des seuls livres que je lisais à l’époque, dans la collection Signes de piste, où ma passion de l’ignorance trouvait abri. Cet idéal du moi était un point d’identification que je calculais sur ce héros, un point d’où je me voyais alors, comme lui, aimable, voire digne d’être aimé. On ne sut jamais si ce garçon, d’une grande intelligence, le taiseux au beau visage sombre, était parti se suicider en montagne. On passa plus d’un mois à chercher son corps et cette disparition me replongea dans l’angoisse de mort, déjà éprouvée enfant. En effet, mon idéal du moi qui me servait à voiler le réel en jeu de ma vie, soit cette mort de ma sœur, n’existait plus, et je me retrouvais là sans ce point d’identification que je m’étais créé. Le retour dans le réel de la disparition d’un corps, dans cette chaîne des Pyrénées, éveilla mon esprit sur un possible au-delà que ma passion voilait. Le voile de l’Autre se déchira, soit celui qui cachait l’objet a comme déchet, voire détritus ou rien, celui qui, comme ma sœur, creuse sa propre tombe.
Des signes de pistes à la phrase d’autres pistes
À moi qui ne savait pas quoi faire dans mes études, mon père conseilla Médecine, ce qui, m’avait-il dit, m’ouvrirait d’autres pistes. Mon père m’indiquait une piste nouvelle, celle du corps via un savoir médical sur le corps vivant. Un savoir de l’Autre séparé du corps qui n’est plus extime mais extérieur. Il était temps que je cesse de vouloir faire jouir mon corps sur la neige vierge pour attraper un sentiment d’existence. Il faut dire que mon père avait le sens de l’humour, des jeux de mots, et qu’il était un as dans l’art des néologismes. Fort de ce goût de la langue assez singulier et grand spécialiste du latin, il aimait souvent nous parler dans cette langue morte. Ce rapport à la langue, comme lieu de l’Autre de la parole, qu’il m’avait transmis à son insu, ne fut pas sans lien, plus tard, avec mon choix d’un psychanalyste lacanien.
C’est la rencontre de l’Autre sexe, et les conséquences du tomber amoureux, qui actualisa le passage au corps parlant, via la rencontre du divan d’un psychanalyste, où le vent du dit rencontra du corps un autre écho résonnant sur le dit-vent. Dans le champ vierge de la parole s’ouvrit une autre piste, le hors-piste de l’association libre. La piste ne fut plus celle de l’exil, de la solitude de l’errance Rimbaldienne.
Retour dans le réel de la phrase machabée/bof
La passion de Rimbaud se fit entendre, sur le divan, dans la piste ouverte par l’écho du décès de ma soeur d’un cancer du rein. La piste du bof ironique, pour maintenir l’Autre à distance, celle de la trace hors-piste sur le champ de la neige silencieuse, passa à la trace de l’impact du poids des mots sur le corps qui se fait si bien entendre dans l’équivoque ou la sonorité de lalangue. Ce fut la voie royale non pas des rêves mais du hors-piste du sens dit-commun, soit le hors-sens des mots rencontrés en séance. Ce qui m’a mené en analyse n’était plus de faire des traces comme S1 tout seul hors-pistes dans la chaine des Pyrénées, mais de m’orienter via la chaîne du signifiant, (S1-S2), sur la piste du désir indicible, et de trouver une autre issue au blanc silencieux de mon histoire, de poser ma question, mais surtout de l’articuler, d’aller jusqu’à m’identifier à cette question. Question posée sur le sexe, bien sûr, mais où du fameux bof silencieux allait surgir une autre pente porteuse d’une nouvelle interrogation suis-je mort ou vif ? La page de mon équipage de ski où se logeait mon désarroi se tourna en s’ouvrant sur une autre page vierge où se déchiffra l’interrogation d’un ski/s’qu’y-suis-je ?. Ne me serais-je pas identifié à ce phallus mort qu’incarnait ma sœur, pour le désir de l’Autre, d’où la cadavérisation de mon être ? Enfin, grâce à l’analyse, je pus vérifier que c’est bien dans une expérience de parole où se soutient une recherche de vérité qu’on y vérifie que la vérité est sœur de jouissance. Ainsi, d’avoir jouis du corps mort de ma sœur, et de pouvoir s’en séparer comme objet a fit surgir le mi-dire de la vérité comme pas-toute. Mais on verra que ce ne fut pas suffisant car ce n’était encore qu’une construction.
Faire passer la chaîne des pyrénées dans le Champ freudien
Je réussis cependant peut-être ainsi ce que j’ai cru être ma plus belle victoire en subvertissant ma chaîne hors-piste des Pyrénées en la faisant passer dans les pistes nombreuses du Champ freudien, choisissant son nom pour un groupe du Cereda (Centre d’études et de recherches de l’enfant dans le discours analytique). N’ai-je pas réussi, voire neige-pas réussi, à faire exister pour celui qui, avant, établissait son corps parlant tout seul sur ses skis, non sans un savoir-faire technique pour faire rendre gorge au concept/ange de sa sœur, un autre savoir-y-faire avec son symptôme. Pour cela, je me mis/m’y à écrire sur les pages vierges de livres, Le malentendu de l’enfant (juste après le décès de ma mére (Autre primordial), L’éveil et l’exil, pour cerner le réel du désarroi (sans Autre) de l’adolescence, et Robert Walser, Le promeneur ironique, soit celui qui danse dans les marges de l’Autre, et à poursuivre d’une autre façon mon travail d’analysant mais en dehors de la piste du divan, dans le vivant du souffle du dit-vent.
Portait de l’artiste en jeune homme
Rêve : « Effondrement de la plus haute tour du cours de l’argonne. Bruits d’hélicoptère. J’ouvre la fenêtre et je vois les étages de la tour s’effondrer. Je dis à ma femme qui est au fond du lit en position fœtale « Je ne veux plus t’entendre » Il va falloir que je me refasse des photos de mâchoires car sinon mon dentiste va confondre les molaires d’en haut et d’en bas. »
J’associe sur l’art/gone, soit l’art/parti et ce qui me supportait à ce moment-là soit écrire sur les artistes de la langue en citant la phrase de Freud « l’artiste précéde le psychanalyste ». L’analyste me dit en coupant la séance : « Portrait de l’artiste en jeune homme », titre d’un livre de Joyce dont j’avais souvent parler. Se faire la photo du portrait pour une jeune femme tandis que je demande à ma femme de se taire comme la sœur en terre. Les molaires/mots/l’air sont des mots en l’air comme si, pour moi, les mots en l’air sont ceux d’un beau parleur pour se voir beau comme un jeune homme pour une jeune femme. Ainsi cette interprétation me déloge de la quête de la jeune femme me servant à me loger, à me voir en jeune homme. Résonne alors l’équivoque du Jeune homme/ Je n’homme/ je nomme. Surgit le fait réel que, bien au-delà du point d’où je cherche à toujours me voir en jeune homme, il me reste dorénavant la voix éthique d’avoir à bien-dire ce que je dois nommer dans le je n’homme. Nommer ce qui reste du mal dedans/de dents, reste en corps non nommé, là où j’avais été assigné à résidence au défaut du féminin, là où je restais dans le silence blanc, bien dire le mâle/mal en moi afin que cela ne soit plus des mots en l’air, des mots/l’air de rien. Je m’entendais souvent dire en analyse j’en ai marre, que je complétais par j’en ai marre/tine, martine comme si dans cette équivoque ma sœur venait compléter mon manque à être.
Me revint alors cette phrase marquante de l’analyste énoncé sept ans plus tôt sur laquelle j’avais cru bon d’arrêter : « Vous avez été nominé à cette place, assigné à résidence à ce défaut du féminin pour la mère. Défaut de la mère de s’être perdue comme femme d’avoir perdue une fille ». J’avais donc été assigné à cette place de venir combler, saturer le défaut du féminin pour la mère. J’incarnai peut-être alors dans cette quête de La femme comme Une, ce défaut du féminin soit une quête éperdue et en impasse puisque le pas-tout est ce qui la structure.
La rencontre d’un trou comme dernier tour de piste ?
Il restait cependant un dernier tour à accomplir, et pourquoi pas quelques tranches, qui conduisit le sujet à une chute encore plus radicale qui, empruntant la voie d’un rêve terrifiant, lui ouvrit un tel trou dans le corps qu’il s’en effondra dans une crise mélancolique aigüe avec idées suicidaires. Ce fut ce qui se décida en lui pour déchariter et vivre un réel sicut palea. Dans ce rêve, dans son lit d’adolescent, alors qu’une femme inconnue vient de lui faire une fellation, il entend sa mère dans la chambre à côté et la trouve dans son lit avec son fils, comme un appendice collé à son corps mais métamorphosé en Satyre avec des jambes très fines entourées de bandellettes et des sabots, l’empéchant de se lever et de marcher. Il réalise en fait que ce fils au prénom victorieux, c’est lui, il retourne alors dans son lit et trouve à la place de la femme inconnue sa mère, angoissé, il se réveille. C’était encore un reste réel du cadavre vivant qu’il aurait été pour elle, mais là, incarné via le fils comme un Satyre, ou faune, dont le bas ventre était troué, en lieu et place d’un sexe. Tu aurais été cela, un être asexué, voire à sexuer, ici d’une fellation lui qui se soutenait d’une séduction désespérée. Solution pour se vérifier comme garçon ou qui quêtait en l’autre sa propre féminité fut-ce au prix de la dévoration d’une fellation/filiation. C’est ce trou réel dans le corps qui le révéilla avec une angoisse insupportable. Mais là, ce ne fut plus le réveil d’un rêve pour continuer à dormir, comme dit Lacan, ce fut le réveil du réel. Lui qui avait fait de ses jambes un support l’ayant maintenu en vie, en-corps dans une certaine séduction, se trouvait ainsi tombé comme objet a dans un puits sans fond. Ce fut la fracture essence-ciel, celle de l’être. C’est de cette chute nécessaire et vitale que, paradoxalement, il prit appui pour se ressourcer de ce puissant fond. Tu auras été cela. Peut-être, alors, le souffle de la parole dans son nouage à l’écriture me permirent d’inventer la solution de l’es’kabeau du sinthome détaché de l’ange gardien. Peut-être vaut-il mieux s’adresser, voire se dresser, au-delà de son saint-homme, vers la voie du sinhome dans sa version de sicut palea comme objet a que d’avoir voulu adresser son malêtre à l’ange divin ; le divin n’aurait été qu’un dit vain. Dès lors, la piste de l’éthique reste à poursuivre pour y laisser la trace du bien-dire, celui qui n’est plus squeletique car dorénavant ce Dit sait s’qu’est-l’éthique.
Encore une fois, la solution de l’écriture émerge non pas cette fois-ci de la béance introduite par l’absence dessinée de l’Autre, mais de la présence réelle du trou que le rêve lui révèle au pied de son lit. Trois livres, comme trois séparations, L’ombre devant soi. Zweig avec Freud, et l’élégante solution de la plume mélancolique, suivi de … seuls les vivants ; puis, se souvenant de la poésie de Rimbaud Tête de faune, il conclut enfin l’écriture de son livre Le dit poétique d’un ange en exil.
P. Lacadée
rent, les symptômes ne valent plutôt que comme signes, il sera proposé, en contrepoint, une dé
Le printemps et ses éveils
C’est une série vidéo à rebondissements, telle la saison adolescente[1]. Trempée dans l’ère du temps, elle a des allures de tutoriel vidéo. Ces mille et un clic de la demande de l’Autre via la Toile dont les adolescents, à les écouter, raffolent – la vie mode d’emploi made in XXIe siècle. Autant de clics pour savoir comment faire avec soi et l’autre – s’y recherchent des conseils les plus variés : beauté, rencontres amoureuses, sexualité, lire un livre sans le lire, etc. La face immergée d’un questionnement plus intime qui émerge aux prises avec l’indicible d’un « qui suis-je ? » et d’un corps aux éprouvés inédits, vertiges y compris.
Si la série se regarde – il y a surtout ici à écouter – ce temps un n’est qu’un prélude au temps deux, celui qui par la lettre va nourrir les inconnus en soi et devant soi.
Au son, la voix du psychanalyste Philippe Lacadée qui sillonne avec allant et constance les territoires adolescents depuis longtemps.
Deux lignes de force s’y dessinent : d’un côté, l’adolescence qui se dit, se donne à lire dans la poésie et la littérature ; de l’autre, l’éclairage psychanalytique des mécanismes de la pulsion, de l’insulte et du court-circuit de la chaîne articulée, par le passage à l’acte.
Temps vulnérable où les pulsions sont sur le devant de la scène, ces « souffrances modernes » [2] rimbaldiennes ne manquent pas d’inquiéter, quelque fois aussi de désemparer l’entourage et l’institution scolaire.
Les six haltes proposées s’ouvrent sur l’urgence d’un lieu et d’une formule à trouver encore avec Rimbaud, « formidable fenêtre logique sur l’adolescence », vagabondant avec sa boussole du refus de tout ce qui vient de l’Autre, après avoir quitté l’école à quatorze ans. Puis s’y déploie « la sensualité mélancolique » de l’adolescent » avec, entre autres, Zweig, Bob et « ses » trois sœurs dans le Conte crépusculaire. Nos désarrois aussi, mais ici, ceux de l’élève Törless de Musil en miroir possible des nôtres. Son premier roman d’apprentissage du début du siècle dernier, qui n’hésitait ni à évoquer la première rencontre sexuelle avec une prostituée, ni l’homosexualité. L’émergence d’une singularité complexe qui fera le choix de la vie de l’esprit, quittant l’académie militaire en cette fin de monarchie austro-hongroise, roman devenu, en outre, un classique en langue allemande des œuvres au programme du lycée. Ce n’est pas sans compter la violence et l’insulte ici dévoilées dont les mécanismes sont limpides, si souvent pointées comme les nouveaux maux de l’école d’aujourd’hui.
L’insulte qui devient le commencement de la poésie comme Lacan nous le montre !
Enfin, n’oublions pas la grande halte de la vie, l’amoureuse, ici sous les auspices de la première rencontre avec Balzac et Frédéric…
Zweig encore, mais avec un autre écrivain autrichien, pas tout fait de la même époque, témoignent dans leurs œuvres des effets de l’adolescence et l’école. Zweig, cet européen de cœur et d’esprit, qui s’exile face au crépuscule d’une Europe assiégée par le nazisme, convulsée par la Première, puis la Seconde guerre mondiale, chantre aussi des tableaux de femmes passionnées qu’il façonne, célèbre l’échappée par la vie de café à proportion de la fréquentation de l’école et de son autorité.
Pas celle des flippers, plutôt le portable aujourd’hui, ni du blablabla sans fin, non celle « du fanatisme littéraire » où s’y rencontrait la fine fleur littéraire de l’époque. Né dans les marécages du nazisme, Thomas Bernhard, écorché vif, qui sa vie durant a éructé contre tous les semblants, haïssant toutes formes d’establishment, semblant être resté dans son pays comme pour mieux tenir en joue ses habitants coupables de l’Anschluss par son verbe. Il quitte le lycée au moment de tripler sa seconde pour rentrer en apprentissage avec « le sentiment d’avoir échappé à l’une des plus grandes absurdités humaines : le lycée »[3]. Défendu de toujours par un grand-père écrivain qui loue la curiosité comme vertu première de l’éducation, Bernhard aura su faire héritage de cette voix de l’aïeul, jusqu’à l’écriture comme mode de vie.
Les versions écrivaines de l’école s’écrivent souvent sur les genoux sous le pupitre, entre les équations et dans les marges des cahiers…
Série à écouter pour mieux lire, tel semble être son pari dont le sel tient à l’art de rendre vivants les mots pour inviter à trouver les siens, non sans la littérature.
Et s’adresser à une oreille analytique, serait un possible temps trois, temps x ?
Encore une autre aventure possible non sans eux…
[1] Le printemps et ses éveils, Youtube, une série proposée par Philippe Lacadée, librairie Mollat. https://www.youtube.com/playlist?list=PLYKK1g9IWBSDKESkfCKUKjnNpQ7MTVJ5W
[2] Rimbaud, cité par la voix de Philippe Lacadée.
[3] Bernhard T., « La cave », Récits 1971-1982, Paris, Quarto Gallimard, 2007, p. 130.clinaison de cas d’enfants mettant à l’épreuve une autre lecture qui prendrait en compte les dimensions du transfert mesure où par les temps qui courent, les symptômes ne valent plutôt que comme signes, il sera proposé, en contrepoint,
une déclinaison de cas d’enfants mettant à l’épreuve une autre lecture qui prendrait en compte les dimensions du transfert Il s’agira, dans ce parcours de questionner ce sujet de l’inconscient au regard du sujet du droit (personne morale), du sujet de la philosophie (cogito cartésien) et du sujet de la science excluant la dimension de la « vérité ». Si vous relisez les séances datées du 29 novembre et du 6 décembre 1961 du séminaire sur L’identification, vous pourriez être surpris d’un savoureux enchaînement: c’est après avoir parlé de sa chienne Justine qui, elle ne le prend pas pour un Autre et ne parle que par jappements ou aboiements que Jacques Lacan formalise la chaîne signifiante, et distincte le signe du signifiant. Nous interrogerons la fabrique de cette formule canonique, un signifiant représente le sujet pour un autre signifiant en référence à la linguistique (Saussure, Pierce) ainsi que chaque élément de cet énoncé: un, représente, pour. Dans la mesure où par les temps qui courent, les symptômes ne valent plutôt que comme signes, il sera proposé, en contrepoint, une déclinaison de cas d’enfants mettant à l’épreuve une autre lecture qui prendrait en compte les dimensions du transfert signifiant.
it (personne morale), du sujet de la philosophie (l cartésien) et du sujet de la science excluant la dimension de la « vérité
»BIBLIOGRAPHEAlain de Libéra, Naissance du sujet, Paris,2016.
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