Le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) touche 5,9 % des jeunes et 2,5 % des adultes. Sans traitement, il peut entraîner de nombreuses conséquences défavorables. Telles sont deux des principales conclusions de la déclaration de consensus international sur le TDAH, publiée en ligne dans Neuroscience and Behavioral Reviews, le 4 février, et récemment traduite en français et en espagnol.
Souvent appelé hyperactivité, ce trouble du neurodéveloppement associe à des degrés divers des troubles attentionnels, une impulsivité et une hyperactivité psychomotrice et verbale. Rédigé par 79 auteurs provenant des six continents, le document de la Fédération mondiale du TDAH se présente sous forme de 208 déclarations, portant sur des aspects cliniques, épidémiologiques, thérapeutiques, économiques…
Pathologies associées
Le TDAH est loin d’être une pathologie née au XXe siècle aux Etats-Unis, une des multiples idées reçues qui circulent encore à son sujet. Les premières descriptions ont été faites en Allemagne en 1775, puis en Angleterre vingt-trois ans plus tard. Dans la plupart des cas, le trouble résulte des effets combinés de nombreux facteurs de risque génétiques et environnementaux (plomb, tabac, médicaments, comme le valproate – Dépakine –, pesticides…). Ces derniers « exercent leurs effets très tôt dans la vie, pendant la période fœtale ou postnatale précoce »,précisent les auteurs. Un constat qui bat en brèche un autre préjugé selon lequel le TDAH proviendrait de carences éducatives. « Beaucoup de personnes, et même des professionnels, attribuent les symptômes à un environnement social ou familial défavorable. J’entends parler de TDAH secondaire, mais cela n’existe pas dans la littérature », insiste Diane Purper-Ouakil, chef du service de pédopsychiatrie de Montpellier, et coauteure de la déclaration de consensus.
« Avec l’obésité, il y a un terrain génétique commun. (…) Le pronostic du diabète est plus défavorable en cas de TDAH associé », souligne Stephen Faraone
Le document fait un tour d’horizon des pathologies associées, de façon plus ou moins forte, au TDAH. Et elles sont nombreuses : obésité, asthme et allergies, diabète de type 1 ou 2, mais aussi maladies auto-immunes, épilepsie, troubles du sommeil. « L’identification des comorbidités est l’un des domaines où l’on a le plus progressé ces dernières décennies, souligne Stephen Faraone, qui avait participé à la première déclaration de consensus sur le sujet, publiée en 2002. Avec l’obésité, il y a un terrain génétique commun. Pour d’autres associations, le mécanisme n’est pas encore élucidé, mais il est important de rechercher un TDAH, car cela peut compliquer le traitement. Par exemple, des études ont montré que le pronostic du diabète est plus défavorable en cas de TDAH associé. »
La liste est longue aussi des potentielles conséquences de l’hyperactivité sur la qualité et la trajectoire de vie. De nombreuses études scientifiques l’ont démontré, être atteint de ce trouble augmente le risque de difficultés scolaires, d’accidents, de troubles liés à la consommation de substances, de délinquance, ainsi que de mort prématurée et de suicide. Selon une méta-analyse de 21 études, environ un prisonnier sur cinq a les critères d’un TDAH, un taux cinq fois supérieur à la population générale. Le poids économique pour la société se chiffre en centaines de milliards de dollars chaque année à l’échelle mondiale, soulignent aussi les auteurs.
Plusieurs dizaines des 208 conclusions sont consacrées aux traitements, et notamment aux médicaments dont plusieurs ont fait la preuve qu’ils sont « sûrs et efficaces ». Ils sont classés en stimulants (méthylphénidate et amphétamines) et non stimulants. Molécule la plus prescrite pour les enfants – à partir de 6 ans –, le méthylphénidate (Ritaline, Concerta, Quasym, Medikinet) est apparenté aux amphétamines et sa prescription est très réglementée en France. Encore présenté par certains comme « la pilule de l’obéissance » ou « la drogue des enfants », ce qui participe à la stigmatisation des familles, ce médicament a pourtant démontré son efficacité dans ce trouble très handicapant.
La thérapie par les stimulants
Selon les études et méta-analyses listées dans la déclaration de consensus, les stimulants diminuent les symptômes, mais aussi les conséquences du TDAH, avec une réduction significative des accidents, conduites addictives, risques de dépression et de suicide, et même criminalité… Inversement, la littérature scientifique atteste une détérioration de la qualité de vie des enfants et adolescents à l’arrêt de ces médicaments. « Des traitements non médicamenteux sont disponibles, mais, par rapport aux médicaments, ils sont moins efficaces pour réduire l’inattention, l’hyperactivité et l’impulsivité », écrivent les auteurs. Ainsi, les programmes de guidance parentale peuvent être une aide pour les parents. Mais, selon une méta-analyse, ils n’ont pas d’effets significatifs sur les symptômes de TDAH d’enfants d’âge préscolaire.
Pour Stephen Faraone, « des approches comme les thérapies comportementales et cognitives ont leur place, mais les stimulants sont sans aucun doute les meilleurs traitements dont nous disposons. Ce sont des thérapies de première ligne, excepté pour les très jeunes enfants ».Lorsque le TDAH retentit sur la vie quotidienne et la scolarité, ne pas mettre en route un traitement stimulant est une perte de chance, estime ce spécialiste. « Ce n’est pas efficace dans tous les cas, mais, quand ça l’est, les parents voient la différence en quelques jours. »
Aux Etats-Unis, le trouble est désormais bien reconnu chez l’enfant, mais encore sous-diagnostiqué chez l’adulte, dit encore Stephen Faraone. En France ? « Cela progresse, mais on part de loin », résume Diane Purper-Ouakil, en précisant que la généralisation de l’enseignement du TDAH en faculté de médecine ne date que de 2014. « Nous pouvons lutter contre les déserts médicaux dans la prise en charge du TDAH et faciliter l’accès aux soins pertinents des personnes concernées en améliorant la formation des acteurs de santé de première et de seconde ligne », plaide la pédopsychiatre. Les TDAH de l’adulte sont aussi insuffisamment reconnus en France, regrette-t-elle. Le diagnostic est souvent porté tardivement, devant un tableau de dépression ou d’anxiété. Et le traitement est difficile à obtenir, le méthylphénidate n’étant en principe destiné qu’aux 6-18 ans, contrairement à de nombreux pays de l’Union européenne.
Des liens d’intérêt déclarés : Stephen Faraone précise que ce travail de consensus n’a pas reçu de financements publics ni privés. A titre personnel, il a perçu des revenus et des soutiens à la recherche de la part de laboratoires pharmaceutiques et de sociétés fabriquant des produits pour le TDAH. La professeure Purper-Ouakil a, elle, déclaré des défraiements de laboratoires, dont certains commercialisent du méthylphénidate, voir le site transparence.sante.gouv.fr
Le Monde, 24 mars 2021
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